« Exotica, erotica, etc. », rêve sensuel sur l’océan infini

Exotica, erotica, etc., documentaire – si l’on peut dire ainsi – primé par le public au Festival de films de femmes de Créteil, qui s’est achevé le 27 mars, est un onirique voyage dans le quotidien de marins grecs et dans les souvenirs d’une prostituée chilienne, amoureuse des ébats avec ceux-ci. Déroutant et somptueux.

À l’image, l’immensité bleue, qui semble ne pas avoir de limites. Dessus, tels de gigantesques monstres, des cargos naviguent, chaque jour, chaque heure, de port en port, dans le vaste monde. La plasticienne grecque Evangelia Kranioti, comme dans un rêve, nous offre à voir l’errance perpétuelle de ces bateaux grâce à de somptueuses images : les navires fendent la glace, qui leur cède petit à petit le passage ; incertains, ils avancent dans les flots, voient se succéder le jour et la nuit, la nuit et le jour, jusqu’au prochain port.

Là, dans des contrées exotiques pour les marins grecs, le temps passé à terre est utilisé à chercher un peu de chaleur féminine qui, comme depuis toujours, s’obtient aisément grâce à l’argent. L’amour naissant de ces ébats tarifés peut alors sembler singulier ou incompréhensible. Il touche pourtant Sandy, ancienne prostituée chilienne, perdue dans le temps, dans ses souvenirs, ceux des furieuses nuits de passion avec ces matelots à l’odeur de sel et au goût particulier.

Deux univers qui jamais ne se rencontrent

Tout le long d’Exotica, erotica, etc., on est transporté dans deux récits parallèles, narrés par deux voix off : celle de Sandy et celle d’un capitaine grec. Des histoires agrémentées par les incroyables images évoquées plus haut, auxquelles viennent s’ajouter des séquences sensuelles de chaudes soirées en compagnie de prostituées, tout cela mis en musique par le Français Éric Neveux, dont la bande-son hypnotique accompagne parfaitement la fascination visuelle éprouvée.

Si les prostituées – représentées par Sandy – et les marins se rencontrent, ils ne pénètrent jamais dans le monde de l’autre. Ce sont deux univers bien distincts qui nous sont donnés à vivre. Sandy ne voit des matelots que leur virilité envoûtante – et c’est déjà beaucoup, tant l’explosion érotique qui s’affirme encore en elle submerge les sens du spectateur. Quant aux marins, à travers la voix du capitaine, ils semblent naviguer, au-delà de cette légèreté et de celle de l’océan, comme des chamans – ainsi que l’exprime le capitaine – en communion avec la nature déserte et sans frontière. Ils ne se lassent jamais d’appartenir à la mer, bien plus qu’à la terre. Comme s’ils étaient une autre espèce d’homme, faite pour naviguer bien plus que pour marcher.

Ivresse, sensualité, spiritualité

À travers cette heure et dix minutes onirique et métaphysique, des thèmes éternels se dessinent : le voyage, l’errance, la recherche d’un absolu, l’amoureuse attendant son amant… Exotica, erotica, etc. distille ses richesses plusieurs heures ou jours encore après le visionnage. Il est difficile de bien en parler car l’expérience est avant tout sensorielle et émotionnelle. Il est nécessaire de la faire partager, même s’il est compliqué de savoir quand il sera possible de voir le documentaire ailleurs. Il faut compter sur la notoriété du film, qui a déjà gagné des prix dans nombre de festivals. En attendant, l’ivresse, la sensualité et la spiritualité d’Exotica, erotica, etc. me resteront longtemps en mémoire.

Vous pouvez voir quelques extraits du film sur Vimeo avec les liens suivants :

Extrait 1

Extrait 2

Extrait 3

Extrait 4

Extrait 5

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