La galerie Fait & Cause (Paris 4e), entièrement consacrée à la photographie sociale, présente jusqu’au 30 avril une superbe exposition sur le mouvement libertaire zapatiste, au Mexique.
C’était un 1er janvier 1994 au Mexique, dans l’État du Chiapas. Ce jour-là, l’Alena, accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, entrait en vigueur. C’est le jour que les populations indigènes du Chiapas ont choisi pour se soulever militairement.
L’objectif : la reconnaissance des droits et de la culture des populations natives, et l’autonomie. L’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) – nommée en hommage à Emiliano Zapata, figure de la révolution mexicaine au début du XXe siècle –, qui perdure aujourd’hui, a ainsi été fondée.
Le photographe Mat Jacob, qui fait partie du collectif Tendance floue, a suivi les actions et événements marquants de cette insurrection libertaire entre 1995 et 2013. La galerie Fait & Cause (Paris 4e) expose ce remarquable travail en noir et blanc, mâtiné de reportage, de portraits et de paysages.
Le mouvement inspire une grande sympathie populaire
Un itinéraire de l’anticapitaliste et utopiste mouvement est ainsi profilé, des débuts du zapatisme à l’autonomie effective dans les villages rebelles. L’exposition en elle-même laisse la part belle aux photos, délaissant un peu l’information. Mais on est renseigné sur l’essentiel : la rébellion a été sévèrement combattue par le Parti révolutionnaire institutionnel (socialiste) du Mexique, au pouvoir jusqu’en 2000, grâce à des unités paramilitaires.
Cette année-là, après l’élection de Vicente Fox, du Parti action national (centriste) s’ouvre une alternance politique au Mexique. Les zapatistes organisent alors la « Marche de la couleur de la Terre » de février à mars 2001, pour demander le respect d’accords sur les droits et la culture indigènes, signés en 1996 avec le précédent gouvernement, mais jamais entérinés.
À cette occasion, le mouvement éprouve la sympathie populaire qu’il inspire dans le pays. Les accords, que l’EZLN juge dénaturés après leur passage au Sénat et en Chambre des députés, sont plus tard rejetés par les insurgés.
Cinq zones autonomes dans le Chiapas
Petit à petit, les zapatistes ont développé leurs propres instances gouvernementales, au niveau communal puis régional. Ils ont aussi constitué leur propre système éducatif et hospitalier. La rébellion revendique aujourd’hui cinq zones autonomes dans l’État du Chiapas, dans lesquelles vivraient 150 000 personnes.
Si vous voulez en savoir plus sur cette expérience unique, il y a hélas peu de sources sur Internet. Utilisé avec discernement, Wikipedia vous apportera bien sûr de plus amples informations, ainsi que les liens suivants : Expérience zapatiste, postcapitalisme et émancipation au XXIe siècle (Mediapart, sur le blog Blog libertaire du séminaire ETAPE et du site Grand Angle) ; Vingt ans après, le mouvement zapatiste entretient la flamme (L’Obs) ; Au Mexique, l’avenir du zapatisme se fait en ligne (Rue89).
La galerie Fait & Cause, dédiée à la photographie sociale
Pour le reste, on peut sans doute se fier notamment au travail de Jérôme Baschet, enseignant médiéviste à l’EHESS, et auteur de La Rébellion zapatiste (Flammarion, 2005), qui enseigne également à l’Université autonome du Chiapas, à San Cristobal de Las Casas, berceau des zapatistes. Neil Harvey, professeur spécialiste de l’Amérique latine à l’Université du Nouveau-Mexique, a quant à lui écrit The Chiapas Rebellion après un travail de terrain de dix ans (livre non traduit en français).
Outre l’histoire de la rébellion, l’exposition m’a aussi permis de découvrir la galerie Fait & Cause, entièrement dédiée à la photographie sociale et gérée par l’association Pour que l’esprit vive, reconnue d’utilité publique, qui veut œuvrer à une prise de conscience des grands problèmes sociétaux (son étendard : le site SoPhot.com). Le travail de la galerie, visiblement de qualité, est donc à surveiller de très près. Les prochaines expositions prévues (du 18 mai au 9 juillet) portent sur une maison de retraite pour prostituées au Mexique et sur la tauromachie en Arles.
Quelques photos de l’exposition sur l’insurrection zapatiste :
Le major Moises, et le sous-commandant Marcos, leaders de l’insurrection zapatiste. La Rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néoliberalisme. A l’invitation de l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale), des milliers de sympathisants du monde entier se sont rendus dans la région du Chiapas, à l’occasion de rencontres et débats politiques, au cours d’une semaine. 3000 personnes ont été réparties dans cinq villages autonomes. La Realidad. Chiapas, Mexique. 27/07/1996 au 03/08/1996. © Mat Jacob / Tendance floue
À Guadalupe Trinidad, un village zapatiste de la forêt lacandone. Ismael a réalisé un dessin représentant Zapata et le sous-commandant Marcos. © Mat Jacob / Tendance floue
Au cours du dialogue entre zapatistes et représentants du gouvernement. San Andres Larrainzar, Chiapas, Mexique. 4 juillet 1995. © Mat Jacob / Tendance floue
Au cours de la cueillette du maïs, dans le village zapatiste de Monterrey. Municipalité autonome de la Garrucha. 27 décembre 2013. © Mat Jacob / Tendance floue
Marche zapatiste, sur la route vers Nurio (État de Michoacan). 2 mars 2001. © Mat Jacob / Tendance floue
Le 1er janvier 2014 marquait les vingt ans de l’insurrection zapatiste. À cette occasion, l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) organisait La Escuelita (la Petite École), structure qui a permis à 4500 personnes d’être accueillies une semaine durant dans les villages rebelles, de vivre le quotidien des communautés et d’apprendre l’autonomie selon les zapatistes. Décembre 2013. © Mat Jacob / Tendance floue